Nous vivons dans l’attente, même dans l’action immédiate. L’attente occupe l’horizon de l’ aboutissement , nous sommes entre actions et attente, attendre une naissance, le retour d’un bien aimé, la pluie dans un milieu désertique, la guérison d’une longue maladie, attendre d’avoir un toit, attendre le jour du triomphe de la dignité et de la liberté contre l’oppression, la colonisation et l’asservissement, attendre de grandir pour transformer le monde, et pour les croyants l’attente du jugement dernier, l’attente est l’espoir d’échapper à la souffrance et à la douleur pesante, elle représente le monde de l’espoir et la crainte, le souhait et le vouloir, on est tout le temps en train d’attendre quelque chose ou quelqu’un. L’homme éprouve une difficulté à vivre une attente d’une durée non déterminée.
Dostoïevski dans Souvenirs de la maison des morts, illustre le pouvoir de symbolisation de l’attente : dans l’enfermement du bagne – ce lieu de la contrainte absolue de l’attente –, s’élabore une symbolique sociale, à la fois systématique, donc indissociable de l’enfermement et de sa loi, et une symbolique de la libération, elle s’illustre dans celle des frontières, des camps de rétention, des camps de réfugiés, etc. Le chant du bourreau de Norman Mailer dit un des plus remarquables territoires de l’attente, celui du couloir de la mort dans les prisons américaines, et l’insupportable de l’attente dans son propre inachèvement – au point que le condamné réclame et obtient (difficilement) d’être exécuté.
Dans nos sociétés modernes, la plupart considèrent l’attente comme une perte de temps, entouré de peur de l’après attente, car notre époque est caractérisée par la peur, l’attente est encore plus difficile, elle envahit nos émotions, et fini par, associer l’attente à la peur. L’attente représente un moment de projection dans le futur, et rend le moment présent triste et ennuyeux. L’homme moderne a besoin de tout maitriser tout connaitre instantanément, le progrès technique, ou tout s’accélère afin de remplir le temps, éviter la discontinuité temporelle et évènementielles, tout est fait pour réduire ou éliminer l’attente pour une vie accomplie et remplie.
L’attente ce n’est pas un mouvement qui pousse vers l’avenir , vers la vraie existence et se résume à des moments vides, Alors que nous pouvons voir dans chaque moment d’attente, une opportunité pour s’écouter soi-même, devenir authentique et retrouver sa nature primaire d’humain, et ouvrir l’opportunité pour faire émerger une vie créatrice, s’élever spirituellement, cela permet de profiter de chaque instant, apprendre de faire de chaque moment calme une méditation active, nourrir notre monde intérieur de pensées et d’attitudes nourrissantes.
L’attente fait entrer dans ce que le philosophe Henri Bergson appelle « la durée créatrice ». Cette durée créatrice, ce n’est pas le temps mécanique, ni celui de la technologie. C’est le temps qui nous apprend à nous tenir au diapason de ce qui, en nous-même, est la source de la création. Rejoindre cette source en soi demande du temps…
L’Autre façon de résister à la souffrance d’attente est d’attendre avec la conviction qu’une semence a déjà été plantée et que quelque chose a déjà commencé à germer, voilà qui modifie notre façon d’attendre. L’attente active et positive nous enseigne à être conscients du moment présent, convaincus que quelque chose est en train de naître là où nous sommes et que nous en faisons partie de cette expérience. La personne qui attend est consciente du moment présent, convaincue que c’est le moment. L’expérience humaine n’est valorisée que par l’attente, l’histoire est faite de moments d’attente. L’attente n’est jamais un mouvement qui consiste à passer de rien à quelque chose. Elle est toujours un mouvement de quelque chose à quelque chose de plus. La nuit attend le jour et vice versa, l’attente permet de relier les moments de l’histoire.
Noreddine ZIANI