Naissance des Idées
« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire » A. Einstein.
Cet article est une invitation à la réflexion sur la question de la naissance des idées, comment naissent, germent, se répandent et au final s’adoptent. Les idées sont-elles la propriété de certains seulement et non pas d’autres ? Pourquoi certains arrivent à produire des idées qui changent le monde et d’autres en vain n’arrivent pas. Y a-t-il des lieux, des temps plus propices que d’autres pour produire des idées.
Certaines inventions ne semblent pas recevables dans les croyances d’une époque, et restent une invention en puissance, alors pour devenir une réalité pratique il faut qu’elles rencontrent les conditions culturelles et sociales d’une époque. Idriss Aberkane, résume ce cycle en disant « Une Idée est considérée d’abord comme stupide puis dangereuse avant de devenir évidente ». (1)
L’histoire de la gravite d’Aristote à Einstein, qui part d’une question banale « la chute des corps » basée sur l’observation et plus tard sur l’expérience scientifique » nous permet de passer de la physique Aristotélicienne, à la physique copernicienne, newtonienne pour arriver au 20 -ème siècle à la relativité générale.
Depuis la révolution industrielle jusqu’à nos jours la science et les nouvelles technologies, essentiellement basées sur la physique quantique, constituent le creuset fertile de la naissance des idées, la société évolue selon une vision scientiste. La science oblige la philosophie, les sciences sociales et la religion à reformuler des questions classiques. Le progrès scientifique stimule les débats, la critique de la raison pure de Kant est l’influence directe de la révolution newtonienne.
Quel dialogue s’établit entre le monde de la pensée et le réel, dans la tête des femmes et des hommes qui sont habités par le souci permanent de répondre à un événement ou d’apporter une solution à un problème. La quête d’idées est un long processus, qui s’inscrit dans une longue chaîne traversant plusieurs phases commençant par la phase d’immersion, d’incubation, d’illumination avant d’être validée.
Malek BENNABI, qui a consacré son projet intellectuel à la question des idées, de la culture et de la cultivation, définit la richesse d’une société par la somme et l’efficacité de ses idées, et il rajoute que la décadence des sociétés majoritairement musulmanes s’explique par leurs incapacités à produire des idées. Il voit que sur le plan intellectuel et mental la décadence est présentée comme « l’impuissance à dépasser le donné, à aller au-delà du connu, à franchir de nouvelles étapes historiques, à créer et assimiler du nouveau ». Une idée se mesure par son dynamisme et son pouvoir au sein d’un univers culturel pour faire face à l’esprit du temps. (1)
Dans notre monde d’aujourd’hui, l’éducation et les habitudes brident-elles l’émergence de nouvelles idées ? Paul Ricoeur affirme que « L’habitude fixe nos goûts, nos aptitudes et ainsi rétrécit notre champ de disponibilité » c’est surtout le caractère mécaniste et déterministe de l’habitude qui peut nous conduire à croire que l’on connaît tout du monde, alors que ceci tend à nous épargner l’effort intellectuel et l’esprit critique. Albert Einstein explique que «la folie, c’est de se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ».
L’habitude consiste à utiliser de façon inconsciente une connexion neuronale déjà existante. Elle est donc un facteur d’efficacité puisqu’elle permet de résoudre la plupart des problèmes de façon rapide. Cette efficacité et le caractère inconscient de l’efficacité en font un obstacle à l’émergence d’idées nouvelles et fécondes. Il faut donc questionner les habitudes. Pourquoi continuer à faire comme ceci ou comme cela ? (2)
La flexibilité commence quand nous nous abstenons de voir dans un contrôleur de train seulement un individu qui regarde si votre billet est valable ou vous renseigne sur votre heure d’arrivée. C’est aussi quelqu’un qui a des enfants, qui a des problèmes de fin de mois, qui veut bien faire son travail, qui est timide ou colérique, qui n’a pas eu le temps de boire son café ce matin, qui veut se faire apprécier, etc. Tout à coup, les idées que je peux avoir si je suis en relation avec lui sont beaucoup plus nombreuses que dans le cas où je le réduis à un ennui potentiel. (3) .
Il parait utile -nécessaire peut être – de sortir des sentiers battus et des périmètres de définition et de conceptions restreintes qui rétrécissent notre champ de compréhension et de connaissance et figent nos représentations sur le monde. La neuroscience nous apprend aujourd’hui que l’activité cérébrale résulte de l’interaction de 500 milliard de cellules, à l’image du cerveau, pour faire émerger des idées, l’homme doit interagir avec le monde qui l’entoure, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, pour répondre au comment qui cherche des explications quantitatives lié à la mesure et au nombre et surtout au pourquoi qui s’intéresse à la finalité des choses, délaissé par les sciences modernes. Il faut toujours concevoir l’humain et l’autre comme une fin et non seulement comme un moyen, pour reprendre une expression à Kant.
Noreddine ZIANI
- (1) Malek BENNABI : Penseur et philosophe algérien
- (2,3) Bruno JARROSSON : Consultant en Stratégie